Les effets du cancer sont variables. Ils sont directs quand le cancer touche les organes de la sexualité (verge, vagin, vulve...). Mais une baisse de l’état général, des douleurs chroniques, et des troubles de l’humeur peu propices à la sexualité sont de toute façon fréquents. Apprendre que l’on a un cancer et supporter les traitements sont des épreuves douloureuses, qui touchent aussi au plus intime de la vie à deux.
« J‘ai été opérée d’un cancer du sein l’an dernier, puis j’ai fait de la chimiothérapie et de la radiothérapie, dit Dominique, 48 ans. Pendant un an, je n’ai pas eu de rapport sexuel avec mon mari. Il ne me repoussait pas, mais je ne voulais pas que l’on me touche, je ne comprenais pas que l’on puisse avoir envie de cette chose sans cheveux et sans force que j’étais devenue.»
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Des traitements lourds et difficiles à supporter
Et les traitements ont des conséquences difficiles. La chirurgie peut toucher les organes qui ont un rôle dans la sexualité, et engendrer une fatigue postopératoire.
La radiothérapie est délétère sur certains organes et, au niveau du col de l’utérus, elle peut créer une irritation vaginale. Quant à la chimiothérapie, elle fatigue et provoque parfois une baisse de désir. Enfin, l’hormonothérapie peut modifier le fonctionnement hormonal, et retentir sur la sexualité. Des difficultés d’érection (cancer de la prostate), ou une ménopause thérapeutique (cancer du sein) peuvent s’ensuivre.
Les altérations de son corps empêchent parfois de se sentir désirable.
« J’ai eu un cancer du col de l’utérus, et les opérations m’ont laissé des cicatrices sur le bas du ventre, raconte Sophie, 42 ans. Ce n’est pas très sexy. Et c’est aussi une partie féminine de mon corps qui a été ôtée, celle qui fait que l’on peut être mère. »
Les médecins ont maintenant plus conscience de ces implications et privilégient, dans la mesure du possible, des traitements moins néfastes pour la sexualité. Patient et médecin doivent faire ces choix ensemble.
L’instinct de survie passe avant le plaisir
Parler de sexualité reste difficile.
« Il faudrait une démarche systématique des médecins », affirme le Dr Morel. « Mais ceux-ci savent que les traitements sont très intrusifs et ont peur de violer l’intimité de leur patient en abordant ce sujet. »
Les patients ne sont pas plus à l’aise pour aborder le sujet : « Comment voulez-vous parler de sexualité face à un médecin homme, alors que vous êtes à peine capable de vous déshabiller devant votre mari ?», s’interroge Dominique. D’autant que, face au cancer, les problèmes sexuels passent très souvent au second plan.
L’annonce de la maladie rend l’avenir incertain, et l’instinct de survie passe avant celui de plaisir.
Les idées reçues sur le cancer et la sexualité s’installent aussi. Les docteurs racontent que certains patients pensent que la sexualité va aggraver le cancer, et qu’un corps profané par la maladie ne peut plus accéder au plaisir.
La peur de faire mal ou de fatiguer peut aussi freiner le conjoint.
« Mon compagnon avait choisi de faire chambre à part pour me laisser me reposer, et comme je lui avais dit que le spéculum me faisait souffrir lors des examens gynécologiques, il a en plus eu peur de me faire mal », raconte Sophie.
Se faire aider est essentiel
Une sexualité heureuse intervient dans le bien-être général, lui-même important pour vivre au mieux un cancer. Les unités d’oncologie disposent le plus souvent d’un psychologue spécialisé. Un sexologue peut aussi être recommandé pour aider à avoir de nouveau des rapports sexuels, en donnant des perspectives d’avenir et en abordant les solutions possibles.
Pour Sophie, la psycho-oncologue est très utile : « Je peux aborder tous les sujets avec elle, en particulier le fait que l’absence de relations sexuelles avec mon conjoint me pèse. Je pourrai ainsi en parler plus facilement avec lui par la suite. »
Des associations, nationales ou locales, peuvent être d’un grand soutien : se réunir avec des personnes qui vivent la même épreuve, partager ses ressentis, s’entraider sont autant de moyens de ne pas porter seul le poids de la maladie. L’implication du conjoint dans la recherche d’information, les consultations et les traitements, est aussi importante.
La médecine permet de pallier certaines difficultés. Les docteurs disposent de moyens pour optimiser le confort de la relation: lubrifiants, traitements hormonaux locaux, dilatateurs... Aussi les injections intra caverneuses, les implants peuvent améliorer de nombreux problèmes sexuels liés au cancer.
Renaître à l’amour
Le cancer est un événement qui peut rapprocher les couples, comme une épreuve partagée. C’est le cas pour Véronique et François. À 40 ans, Véronique est atteinte d’un cancer du sein.
« La veille de l’opération, dit-elle, nous vivons une dernière nuit d’amour, avec la peur de mon côté de ne plus pouvoir me montrer nue. Une fois l’opération dépassée (ablation du mamelon), toutes nos peurs tombent et le désir de l’autre ne fait que s’enrichir de nouvelles découvertes. Les traitements de chimiothérapie sont érotisés par la peur. Nous ne nous interdisons rien et découvrons qu’un crâne nu peut être sensuel, que l’on peut masser la cicatrice de mon sein... »
François raconte de son côté : « J’avais envie de la prendre en photo, de la peindre pour figer ces moments qui ont une force extrême. L’annonce de métastases au foie, d’une nouvelle opération, d’un nouveau traitement, est pour nous une autre aventure, avec l’envie toujours plus forte de s’aimer. »