On pensait qu'il fallait prendre ses médicaments au moment des repas. Or, on sait aujourd'hui qu'une plus grande précision est nécessaire. L'heure de la prise d'un médicament, d'une part, de sa classe pharmacologique, d'autre part, de la maladie à traiter.
C'est ainsi que dans le cas d'une hernie hiatale, pour éviter l'effet du reflux acide, le médicament protecteur de la muqueuse doit être pris en fin de repas. De la sorte, il couvre efficacement les parois de l'œsophage ; il serait, sinon, éliminé avec les aliments avalés.
En revanche, si l'on souhaite raccourcir le temps de séjour des aliments dans l'estomac, on aura intérêt à prendre un stimulant de la motricité digestive, dès le début des repas. Ainsi, les mêmes symptômes peuvent être traités de façon complémentaire par deux médicaments pris à des moments différents que le seul bon sens permet de choisir.
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Des maladies qui évoluent
Pour de nombreux médicaments, ce n'est pas simple. Et c'est la chronobiologie (étude des phénomènes biologiques en fonction du temps) qui a ouvert la voie de nouvelles disciplines, dont la chrono pathologie (étude des mécanismes pathologiques en fonction du temps).
Les médecins savent bien que certaines maladies évoluent selon des cycles de quelques heures ou de quelques jours : l'asthme survient le plus souvent dans la deuxième moitié de la nuit, les douleurs articulaires des rhumatismes sont nocturnes, les fièvres du paludisme apparaissent tous les 3 ou 4 jours, etc. Mais le cycle peut atteindre des semaines ou des mois ! Ainsi en est-il de certaines psychoses maniaco-dépressives, de cancers ou de la leucémie myéloïde chronique.
Plus ou moins toxique
L'effet d'un agent pathogène peut varier en fonction de l'heure, chez l'animal comme chez l'homme. Par exemple, un bruit violent peut suffire à provoquer une crise épileptique mortelle chez la souris à 22 heures, alors que le même bruit n'aura pas cet effet le matin. L'influence des variations de température, ainsi que la résistance de l'organisme aux radiations ou aux infections varient aussi selon des cycles de 24 heures.
Il en est de même de la toxicité de certaines molécules : métaux lourds, antibiotiques, hormones, agents anticancéreux, solvants, pesticides...
22 heures : à vos cachets !
Ce qui est vrai pour les effets indésirables l'est aussi pour les effets thérapeutiques. Ainsi, la même dose d'un anesthésiant local aura une durée d'action 2 à 4 fois plus longue s'il est utilisé vers 15 heures plutôt qu'à 7 heures.
Un traitement médical qui élimine la maladie avec le minimum d'effets indésirables doit donc tenir compte de ces évolutions cycliques : c'est la chrono-thérapeutique (étude de l'effet des médicaments en fonction de leurs heures d’administration). La connaissance de ces phénomènes permet de favoriser son action sur la maladie en diminuant le risque d'effets secondaires par la prise de moindres doses.
Les médicaments les plus utilisés, et en particulier les anti-inflammatoires, n'échappent pas à nos mécanismes ; pour éviter les brûlures d'estomac, l'aspirine sera prise à 22 heures. Cet horaire tardif favorise la tolérance digestive de nombreux médicaments de cette famille réputés pour leurs effets indésirables.
A l'inverse, la prise matinale est obligatoire pour les dérivés de la cortisone. En cas de forte dose, la prise unique sera remplacée par une prise fractionnée : 2/3 le matin et 1/3 à midi, mais jamais le soir !
Ceux à effet prolongé
Afin de diminuer le nombre de prises quotidiennes, les laboratoires ont mis au point des médicaments à "libération prolongée". La molécule est libérée durant plusieurs heures. Là encore, la chrono-thérapeutique entre en jeu et, pour les théophyllines (anti- asthmatiques) à libération prolongée, l'efficacité et la tolérance augmentent si la prise se fait le soir. Même la médecine préventive est concernée par ces nouvelles méthodes d'administration : du fait des cycles de l'activité des défenses immunitaires, nombre d'anticorps induits par une vaccination contre l'hépatite B est plus élevé lorsque l'injection est pratiquée l'après-midi.
Alors, doit-on toujours fixer la prise des médicaments au moment des repas ? Chaque fois qu'il n’est pas possible de faire autrement, peut-être... Cela n'est pourtant plus une règle absolue, d'autant que l'absorption intestinale d'un certain nombre de molécules est perturbée par les aliments ingérés. Mais il reste vrai que l'on oublie moins ses pilules lorsque l'on passe à table et qu'il n'est pas toujours facile de les prendre à l'heure idéale, quand on la connaît !
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