À chaque médicament son heure

On sait que l’efficacité des médicaments est liée à une heure idéale de prise. En plus, les effets secondaires sont atténués.

alarme reveil pour penser a prendre médicament
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Lors d'une prescription, la question "Comment dois-je prendre mes médicaments ? " appelle une réponse quasi systématique. Ce sera le plus souvent au moment des repas ou matin, midi et soir. Excellents créneaux horaires pour ne pas les oublier. Tous les médicaments n'expriment cependant pas forcément le maximum d'efficacité à ce moment-là. Ils posséderaient des heures d'administration privilégiées pour optimiser leur efficacité, diminuer leurs effets secondaires. Pour avancer cette thèse, les spécialistes s'appuient sur une science la chronobiologie. Mais en quoi consiste-t-elle ?

Vie familiale, travail et période de repos composent l'emploi du temps de chacun d'entre nous. Parallèlement à ce rythme imposé par notre vie sociale, notre organisme possède aussi ses propres rythmes. Ainsi, notre température varie sur 24 heures. Elle est maximale à 18 heures et décroît progressivement au moment de dormir pour atteindre un minimum vers 2 heures du matin. Chacun de nos organes dispose de périodes d'activités maximales ou minimales différentes et indépendantes. Par exemple, nos glandes cortico- surrénales sécrètent une hormone, le cortisol, qui intervient au niveau du cœur, de l'estomac, du cerveau, des reins entre autres.

senior qui regarde sa montre pour prendre son medicament
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Sa sécrétion varie au cours de la journée, tout comme son influence sur les dits organes. Elle est nulle entre 0 et 4 heures du matin, ensuite elle croît. Les choses étant "bien faites", elle participe notamment activement au métabolisme énergétique (production de sucres...). Elle atteint son taux maximum à 8 heures du matin, période où nous avons besoin d'énergie. Enfin, la sécrétion de cortisol décroît avant de dormir.

Nos rythmes biologiques se règlent de l'intérieur

Autre illustration : le fameux décalage horaire, ou jet-lag. Après un vol trans- méridien, partagé entre l'excitation de se retrouver à des milliers de kilomètres de chez soi et l'envie irrépressible de dormir, le choix est difficile à faire.

Il est 10 heures du matin ici, minuit à la maison. Notre cycle veille/sommeil est immanquablement perturbé. L'attitude "chronobiologiquement" correcte consiste à ne surtout pas aller se coucher. Au contraire, il faut s'exposer à la lumière, voire faire un peu d'exercice physique pour atténuer le décalage et caler notre cycle veille/sommeil avec notre nouvel environnement. Il se normalise plus facilement, en général en trois à quatre jours.

Plusieurs cycles hormonaux sont d'ailleurs liés au sommeil. En revanche, certaines activités internes de notre organisme seront, elles, plus longues à se régulariser : de l'ordre de plusieurs semaines dans certains cas. En fait, nous n'aurions pas une horloge centrale pour tout coordonner, mais plusieurs horloges internes ! Chacune étant chargée d'une ou plusieurs fonctions. Etudier ses rythmes biologiques et ses anomalies relève de la chronobiologie. Encore toute jeune discipline, elle a cependant déjà permis de tirer de nombreuses conclusions, notamment sur les horaires de prise de certains médicaments : Il n'existe pas de solution universelle, mais des moments de prises favorables pour chacun. Exemples...

L'aspirine contre les douleurs et la fièvre

A visée antalgique et anti-inflammatoire, elle est aussi malheureusement réputée pour ses effets secondaires sur la muqueuse digestive. Elle provoque de petites lésions hémorragiques et même des ulcères après des prises répétées. Ces lésions sont d'autant plus importantes si l'administration se fait tôt dans la journée. Prendre l'aspirine le soir atténue son effet néfaste sur la muqueuse de l'estomac. Chez des patients souffrant d'affections cardiovasculaires, fluidifier le sang par la prise d'aspirine permet de prévenir les infarctus. L'aspirine est souvent prescrite quotidiennement à faible dose chez ces personnes.

Les corticoïdes contre l'inflammation

Seringue et plusieurs flacons vaccin sur un calendrier
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Leurs effets secondaires (rétention hydrique, retard de cicatrisation, arrêt de croissance chez l'enfant... surtout pour des traitements prolongés à fortes doses) sont en général assez craints des patients. Une prise concentrée sur la première partie de la journée pourrait les atténuer ou les prévenir : 2/3 le matin et 1/3 1'après-midi, préconisent les chronobiologistes. Ainsi, cette administration s'effectue en parallèle de la sécrétion de cortisol par notre organisme.

Ces médicaments possèdent les mêmes propriétés que Cette hormone. Et pour cause, ce sont des dérivés du cortisol.

Autre argument en faveur d'une prise précoce, les corticoïdes peuvent provoquer une excitation, une insomnie, d'où l'intérêt supplémentaire de préférer les prises matinales.

Les antihistaminiques contre les allergies

Pour les antihistaminiques classiquement utilisés dans les affections d'origine allergique, les chronobiologistes préconisent une prise plutôt le soir. Cet horaire atténue l'importance de l'effet sédatif de certains antihistaminiques.

De plus, notre organisme serait plus sensible au médicament pendant la nuit. Agissant principalement à titre préventif, une administration en soirée précède le pic de crise intervenant très souvent le matin au réveil.

Les anti-acides contre les ulcères

Outre la présence d'une bactérie helicobacter pylori, la sécrétion acide de l'estomac est augmentée chez les patients souffrant d'un ulcère. La sécrétion est plus élevée le soir, pendant la première partie de la nuit, et basse le matin.

Ces médicaments diminuent la sécrétion acide de notre estomac. Les prendre le soir permet d'agir au moment où elle est maximale.

Problèmes dentaires et anesthésiques locaux

15 heures est un horaire idéal pour programmer un arrachage de dent chez son dentiste. Deux raisons expliquent ce choix. D'une part, la quantité d'anesthésique local nécessaire à l'intervention est deux fois moindre.

D'autre part, sa durée d'action sera en moyenne trois à cinq fois plus longue.

L'explication : à cette heure-là, la sensibilité des zones d'action de l’anesthésique serait supérieure.

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Les anti-inflammatoires contre certains rhumatismes

Nous le savons tous : notre estomac n'aime pas les anti-inflammatoires. Ils provoquent des troubles digestifs, type douleurs, nausées... Pour prévenir ce problème, la prise de l'anti-inflammatoire au moment ou à la fin du repas évite leur survenue. Les chronobiologistes préconisent de définir l'heure de prise par rapport au pic de la douleur, notamment pour les affections chroniques rhumatismales. Ainsi, pour des douleurs matinales, préférer une prise le soir. Pour celles prédominant l'après-midi, une administration le matin sera plus appropriée. Dernière précision, depuis quelques mois, on dispose de nouveaux anti-inflammatoires moins "toxiques" pour le tube digestif : les inhibiteurs sélectifs de la cox-2 (Célécoxib, Rofécoxib).

Les anticancéreux

La chimiothérapie anticancéreuse repose sur le principe de tuer les cellules tumorales en essayant d'épargner les cellules saines. Mission difficile pour ces médicaments, souvent aussi efficaces que toxiques. Cependant, comme tant d'autres produits pharmaceutiques, des études ont montré que certaines heures étaient plus propices à leur administration : ils étaient alors plus ou aussi efficaces et leurs effets secondaires étaient atténués. Pour faciliter les prises adaptées à chaque individu, il existe des pompes portables et programmables qui permettent d'administrer la quantité nécessaire au moment adéquat ; que ce soit quatre heures du matin ou cinq heures de l'après-midi. Ces modalités de traitements ne sont délivrées en France que dans un très petit nombre de services hospitaliers.

L'hormone qui remet le corps à la bonne heure

La mélatonine, sécrétée majoritairement la nuit, joue un rôle important dans notre cycle veille/sommeil. Elle facilite entre autres notre endormissement. Sa sécrétion est perturbée chez les personnes souffrant de décalage horaire ou ayant des difficultés à s'endormir. Déjà en vente libre aux États-Unis depuis plusieurs années, nombre d'Américains n'hésitent pas à prendre de la mélatonine pour corriger ces perturbations. En France, en revanche, elle n'est à ce jour pas commercialisée. Les connaissances sur ses actions ou sa toxicité restent encore insuffisantes.

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