200 fois par jour, un senior achète un camping-car

Toutes les trois minutes, c’est à dire 200 fois par jour ouvré, un senior achète un camping car. Ils détiennent une part de 75% de ce marché de 3 milliards d’euros qui ne cesse de croître. Goût de la liberté, liberté de temps à plein temps, souplesse d’usage, éco-sympathie sont les clés de cet engouement selon l’actif président de Trigano et d’UNI VDL François Feuillet.

Voyage Senior Camping Car
© istock

Un entretien avec François Feuillet, patron de Trigano et président d’Uni-Vdl…

Toutes les trois minutes, un professionnel vend un camping car à un senior. Comment suis-je parvenu à une conclusion aussi vertigineuse. Tout bêtement : je pose le fait que 18 210 campings cars neufs (+ 1% VS 2009) et 47 087 occasions (+5,7%)  ont été vendus en France en 2010, ce qui en fait 240 par journée ouvrée de 8 heures soit 30 à l’heure (un toute les deux minutes) dont 75 %  à des seniors, soit 200 par jour.

Bref, l’économie du camping-car est l’une de seules qui dans le loisir a résisté à la crise en dépit de valeurs élevées (en moyenne 50 000 euros pour un neuf et 25 000 pour une occasion). On estime à trois milliards d’euros le marché français des véhicules de loisirs, dont de 2 milliards pour le camping car.

On en change souvent?

Les renouvellements ont ralenti parce qu’on n’a pas suffisamment innové et que la valeur ajoutée d’un neuf n’était pas suffisante par rapport à une occasion. On doit y travailler parce que le camping-cariste achète du neuf en fonction de nouvelles fonctionnalités, de l’évolution du moteur, de l’optimisation des douze mètres carrés en moyenne de surface utile à bord. Les changements s’observent aussi avec les plus âgés qui reviennent à des modèles plus petits et plus maniables mais sans renoncer à leur passion.

On voit aux USA des camping-cars d’un million de dollars.

Ce sont des véhicules luxueux construits sur des plateformes de cars. On va en voir ici car le camping-car est désormais considéré comme un transport de personne. Donc, on peut le conduire avec un permis B obtenu avant le 20 janvier 1975, même si l’engin pèse plus de 3,5 tonnes.

C’est bon pour votre cœur de cible puisque c’est autour de 55 ans que l’on achète son camping car !

On l’achète lorsque l’on est susceptible d’avoir plus de temps pour soi ou de cesser son activité. C’est pour cela que je ne redoute pas beaucoup l’allongement de la durée de carrière car les gens décrochent avant ce que la règle prévoit. En fin de parcours professionnel, beaucoup de gens sont moins impliqués, ou au placard, des gens qu’on a mis de côté parce que les jeunes sont plus technophiles.

Alors, ils lèvent le pied et prennent leurs RTT. On utilise son camping car en moyenne 17 fois dans une année. Le temps dédié au camping car est un « temps volé » à l’employeur, mais pas aux enfants, quand on en a encore à domicile, ou aux parents âgés.

A quel moment acquiert-on son camping car ?

A l’ âge où les gens ont la disponibilité et l’argent voulu pour un véhicule neuf qui coûte en moyenne 50000 euros ou une occasion dont le prix de revient se situe autour de la moitié mais le camping car se déprécie moins vite qu’une voiture. Les ventes de neuf ont eu tendance à se stabiliser. Les améliorations favorisant la sécurité (Abs) ou le respect de l’environnement ont augmenté le prix plutôt que la valeur tangible de la prestation.  Les Français et les Allemands  ont des attitudes écolos tout en préférant  ce qui est le moins cher,

Qui sont les acheteurs de camping cars ?

Pas seulement des soixante-huitards, heureusement, mais c’est dans cette mouvance que le camping car a connu l’engouement auprès de gens qui ont d’abord eu des combi Volkswagen, puis qui ont acheté un véhicule adapté alors que l’offre de tourisme ne les satisfaisait pas. C’est finalement un produit économique puisqu’on y dort, que l’on roule finalement peu et que l’on se nourrit à son gré à bord.

Il répond à une demande atypique !

Totalement. Le camping car est le véhicule et le mode de vacances de populations minoritaires. Pensez aux 60 000 camping cars par rapport aux 2 millions de voitures vendues chaque année.
Le camping car est adapté à un besoin de liberté qu’il s’agisse des seniors, l’immense majorité, mais aussi des homosexuels, des familles comptant un handicapé ou des people, qui n’ont pas comme à l’hôtel à affronter les fans qui veulent des autographes. Dans tous les cas c’est un véhicule-style de vacances en couple.

On l’achète sur un coup de tête ?

Non. Les seniors, qui constituent plus de 70 % du marché, ont mûrement pris leur décision et de longue date après avoir consulté, lu les revues spécialisées. Mais on ne diffère pas cet achat car à 60 ans, on a conscience du temps qui passe, du temps qui reste pour se réaliser. C’est un achat qui allie le rêve et le pratique, sinon on achète une Rolls pour parader. Or, le camping-car, on l’utilise près de 80 jours par an et dans un cas sur six, plus de 100 jours annuels.

Ils paient cash !

Ceux qui ont hérité, mais souvent c’est 50% cash, 50% crédit. Trigano a créé Loisirs Finances, avec notamment la BNP, en 1997. Les seniors sont un excellent client pour le financement de leurs véhicules. Ils ont des revenus stables. Même s’ils sont au chômage un peu avant la retraite, ils gagnent parfois à peu près autant. Ils paient en partie à crédit, et souvent sur une durée de dix ou quinze ans car ainsi ils bénéficient des assurances attachées à leur achat.

N’ont-ils pas le sentiment de spolier leurs enfants en achetant ce véhicule de loisirs ?

Non. Les attitudes à l’égard de l’héritage ont changé. Ce sont même les enfants qui les poussent à acheter et qui lèvent leurs réticences. Leurs parents leur ont payé de longues études qui assurent leur autonomie. Ils leur en sont reconnaissants et jugent qu’ils ont parfaitement le droit de se faire plaisir à ce stade de leur vie.

Les seniors achètent-ils leur engin une fois pour toutes ?

Pas du tout. Ils le renouvellent souvent, tous les cinq ans en moyenne, et revendent le camping car pour en acheter un autre qui bénéfice des innovations. La résidence secondaire est en perte de vitesse même si elle permet d’accueillir les enfants et petits enfants.

Les Français sont-ils les plus grands acheteurs de camping cars ?

En volume, nous sommes les premiers d’Europe, mais en usage nous sommes au troisième rang derrière la Finlande et la la Norvège qui sont des pays très écolos.

Parce que les camping cars, c’est écolo ?

C’est le véhicule le plus écologique qui soit. L’usage du camping car répond à trois valeurs.

  1. Il est écologique. Certes, il consomme plus qu’une voiture parce qu’il est plus lourd mais il fait peu de kilomètres (10000 km en an en moyenne).
  2. C’est le seul endroit, avec le bateau, ou le Français se soumet volontairement à une restriction de sa consommation en énergie et en eau.
  3. C’est une école de comportement responsable. Avec une réserve de 100 litres d’eau, vous êtes obligé à des choix. La batterie a aussi ses limites. Une climatisation serait énergivore. Mais l’engin est hyper-isolé, alors vous pouvez aller au ski avec. Vous gaspillerez moins que les hôtels qui chauffent en permanence où le hall et le restaurant doivent être chauffés en permanence.

C’est là dessus que l’on peut bâtir un argumentaire de vente ciblant les boomers ?

En effet et sur deux autres valeurs auxquels ils sont sensibles. La liberté et l’économie.

La liberté, c’est la base du succès du camping car, y compris auprès des people car dès que vous avez pris le volant, vous pouvez vous contenter de contacts furtifs sans être assailli et tailler la route à votre gré sans les contraintes d’un groupe ou de la réservation d’un hôtel.

L’économie. Ce sentiment s’est renforcé avec la crise. Vous emportez votre toit avec vous et vous vous mangez où vous l’entendez comme vous l’entendez, en fréquentant le supermarché de votre convenance.

Le camping car est il uniquement un phénomène générationnel post soixante-huitard ?

Sûrement pas. Les boomers sont les meilleurs vecteurs pour la vente des camping cars. Ils les prêtent rarement, sauf à leurs enfants. Parfois même lorsqu’ils achètent, ils prévoient le nombre de lits en fonction de l’usage par les enfants. C’est un goût qu’ils leur transmettent ainsi. Les jeunes qui sont souvent fauchés y sont sensibles. Ainsi n’ont-ils pas besoin d’aller à l’hôtel.

Les camping caristes français n’ont-ils pas la Bretagne pour zone de prédilection?

En effet, près de la moitié des camping caristes vivent dans le grand ouest, entre les Pays de Loire, la Bretagne et la Haute-Normandie. La Bretagne est leur région préférée. Pourquoi? Parce qu’il est plus facile d’avoir un camping car lorsque l’on vit en zone semi rurale et en maison individuelle que dans les agglomérations de Paris, Lyon ou Marseille, parce qu’il est plus facile de se trouver des itinéraires de sorties en direction de la mer que vers l’est. On enregistre des migrations d’est en ouest au moment de la retraite.

Est-ce un marché qui se développe sans entraves ?

Pourquoi des entraves ? Vous voulez dire des jaloux qui pensent qu’ils ont acheté un droit de vue de mer exclusif et qui voudraient en priver les autres, dont les camping-caristes ? Sur ce sujet, nous menons une triple action. Nous informons les municipalités, nous formons nos partenaires en leur montrant comment les camping caristes leur apportent du business. Et s’ils le faut, nous allons au tribunal et agissons contre les interdictions illégales de circulation ou de stationnement.

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