Seniors : attention aux psychotropes !

Les seniors utilisent beaucoup de somnifères et de tranquillisants, pas toujours à bon escient. Or, les effets secondaires peuvent être importants.

femme mure senior tenant le verre d’eau et un cachet
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Les Français comptent parmi les plus gros consommateurs de médicaments psychotropes, une tendance qui s'accentue avec l'avancée en âge. La moitié des femmes et un tiers des hommes de plus de 70 ans prennent régulièrement un produit de cette famille. Sachant que, chez les seniors, les effets secondaires peuvent être importants, le constat est inquiétant.

Cette surconsommation concerne essentiellement les produits destinés à calmer l'anxiété et pour dormir (benzodiazépines et apparentés). « Les antidépresseurs sont également très prisés mais, paradoxalement, ils ne sont pas forcément prescrits aux personnes qui en auraient le plus besoin » Explique le Docteur Camus.

On peut comprendre que, du fait du vieillissement et d'un certain nombre de pathologies, les personnes âgées deviennent plus anxieuses et plus déprimées ; mais elles ont trop souvent tendance à penser que leurs problèmes vont se résoudre grâce aux médicaments. Parallèlement, un certain nombre de médecins prescrivent un peu vite des anxiolytiques ou des somnifères. Pour eux, c'est une solution de facilité.

Bon à savoir : Les psychotropes comprennent les anxiolytiques, les hypnotiques, les antidépresseurs, les neuroleptiques et les thymorégulateurs.

Les personnes âgées sont plus vulnérables

De fait, certains praticiens ne prennent pas le temps d'expliquer les avantages et les inconvénients de ces produits, et n'osent pas refuser des demandes de renouvellement, souvent mues par la force de l'habitude.

De ce point de vue, les personnes âgées se révèlent effectivement assez vulnérables. Le traitement est, la plupart du temps, initié dans des circonstances particulières comme un deuil ou une hospitalisation. Et sa remise en question devient, par la suite, très difficile.

L'entrée en maison de retraite est également un moment délicat, voire un traumatisme, si elle n'est pas bien préparée. Une situation que les médecins peuvent souvent être tenté de gérer par une prescription d'anxiolytique. La consommation de psychotropes en institution serait supérieure de 50 %, et servirait trop souvent à calmer des résidents agités...

Chutes et pertes de mémoire

Les psychotropes ont des effets secondaires importants, en particulier chez les seniors. En vieillissant, le foie et les reins métabolisent moins bien ces molécules. Conséquence, le produit s'accumule dans l'organisme, ce qui augmente ses effets, surtout en cas de déshydratation. Les benzodiazépines, en particulier, provoquent une baisse de la vigilance et un relâchement des muscles.

On estime que le risque de chute est multiplié par deux et que 50 % des fractures du col du fémur chez les personnes âgées seraient liées à la prise d'une "benzo" ! Ces médicaments sont également connus pour diminuer les capacités d'attention et de mémorisation et peuvent engendrer un état confusionnel.

Des inconvénients qui cessent, heureusement, à l'arrêt du traitement. Mais il faut savoir aussi qu'une consommation prolongée entraîne un phénomène de dépendance, exactement comme une drogue. Plus on en prend, plus on en a besoin et plus il est difficile d'arrêter. « En principe, depuis 1991, la durée maximale de prescription des hypnotiques a été limitée à quatre semaines, et à douze semaines pour les anxiolytiques. Par ailleurs, depuis février 2001, les spécialités à base de flunitrazépam (Rohypnol@) doivent être prescrites sur une ordonnance sécurisée pour une durée limitée à quatorze jours », explique le Pr Camus.

Revoir les ordonnances

D'ici la fin 2007, la Haute Autorité de santé devrait publier des recommandations de bonnes pratiques à destination des médecins afin de mieux cadrer les prescriptions de benzodiazépines chez les seniors. Des informations seront dans le même temps diffusées auprès du grand public.

Le but n'est pas d'inciter les patients à arrêter un médicament s'ils en ont réellement besoin. Mais on constate que ces produits sont souvent prescrits sur des durées beaucoup trop longues, parfois sur plusieurs années et sans justifications.

« On peut comprendre qu'on prescrive un somnifère pendant quelques jours à une vieille dame qui vient de perdre son mari, mais pas plusieurs mois. D'ailleurs, les benzodiazépines perdent leur efficacité au bout de quelques semaines, alors qu'elles exposent toujours à des inconvénients », souligne le Pr Camus.

La Caisse nationale d'Assurance-maladie a lancé une campagne d'information auprès des médecins généralistes pour les sensibiliser au problème et les inviter à rediscuter du traitement avec leurs patients, en particulier ceux qui prennent plusieurs psychotropes de même classe. Cette démarche commence à porter ses fruits puisqu'en 2017. la consommation de benzodiazépines à demi-vie longue (donc élimination lente dans l'organisme) a baissé de 9 % chez les plus de 65 ans. Mais le chemin est difficile.

Cela demande de la part du médecin une habileté relationnelle qui n'est pas facile à acquérir et à mettre en œuvre dans une consultation où on a peu de temps.

Ne jamais arrêter brutalement

Il est dangereux d'arrêter brutalement de prendre une benzodiazépine, au risque de voir apparaitre un syndrome de sevrage. Celui-ci se manifeste par une forte anxiété et des insomnies : l'effet inverse de ce qui était recherché ! L'arrêt du traitement ne peut se faire que sur avis médical. Les doses seront réduites très progressivement, sur quatre à dix semaines, jusqu'à l'arrêt total, sur plusieurs années et sans justification.

Hygiène de vie et bon sens suffisent

Néanmoins, ces obstacles ne sont pas insurmontables. De simples conseils d'hygiène de vie suffisent, parfois, à se passer d'un médicament. Par exemple pour mieux dormir, il vaut mieux éviter de regarder la télévision tard le soir et ne pas boire du café ou du thé dans l'après-midi. On peut également remplacer le rituel du somnifère au moment du coucher par un autre rituel.

Pourquoi pas un bon livre ? Des conseils de bon sens que le médecin doit sans cesse rappeler. Beaucoup de personnes âgées ne savent pas que leurs rythmes de sommeil changent en vieillissant. Passé 70 ans, il est normal d'avoir des nuits plus courtes et de récupérer par une sieste.

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