Spécial Boomers et Dons : Petit dictionnaire de la générosité des seniors

En France, comme Outre Atlantique, il est clair que sans les boomers ni les seniors, l'univers du don, en argent et en temps, serait vite asséché. Ils se sentent souvent une dette à l'égard de la société qui a porté leur réussite.

femme senior effectuant un don avec sa carte de credit sur internet
© istock

Les boomers et seniors sont les plus généreux de leur argent, de leur temps. Fondations et associations, ici celle des Amis d'Arsène Lupin, ne vivraient pas sans leur concours. À lire aussi, notre article : Spécial seniors et Dons : Deux donateurs sur trois sont des seniors ! Portraits.

Altruisme. Les trois-quarts des boomers jugent avoir une responsabilité vis-à-vis de la communauté. Ils se doivent donc d’être en mesure de lui léguer une partie de leurs biens. Ce sentiment tombe aux deux-tiers chez leurs aînés et à 53% chez leurs cadets (2020 U.S. Trust Insights on Wealth and Worth Survey.) Selon l’expert Costello (National philanthropic practice executive at Bank of America), cette différence d’appréciation vient de l’engagement des boomers contre la guerre du Vietnam, pour les droits civiques. Leur altruisme se caractérise aussi par leur engagement dans le bénévolat, leur expertise, le désir d’utiliser leurs atouts pour se montrer utiles à la collectivité.

Bénévolat. Une étude de l’American Association of Retired Persons (2018) montre que le bénévolat des boomers est en croissance, que ce soit à l’intérieur d’une organisation ou que le bénévolat soit pratiqué de manière informelle. Le bénévolat, hors organisation, qui concernait le tiers des boomers en 2003 (34%), en concerne désormais plus de la moitié (57%). De surcroît 7 boomers sur 10 disent avoir un engagement bénévole, soit dans une association, soit de façon indépendante. Les taux d’engagement des Afro-Américains au service de la communauté sont deux fois plus élevés que ceux des hispano américains. L’engagement des Afro-américains porte avant tout sur l’aide à la résolution de difficultés de voisinage, les activités politiques, les questions relevant de leur Etat, les engagements religieux et spirituels. (Enquête réalisée par téléphone auprès de 1,475 Americans de plus de 45 ans) sur le bénévolat, le don et l’engagement. Les 11 à 12 millions de Français, essentiellement des 50+, qui sont aujourd’hui bénévoles dans une association, expriment le besoin d’avoir des activités socialement reconnues, de « servir à quelque chose ». C’est souvent le choix et la mise en œuvre de ces nouvelles activités, dans la recherche d’un nouvel équilibre de vie, qui marquent la fin du deuil social du travail rémunéré.

Causes. La recherche médicale (santé), l’aide et la protection de l’enfance, la lutte contre l’exclusion et la pauvreté, figurent en tête des motivations de don avec l’environnement. Celui-ci s’est inscrit de manière plus récente au palmarès de la générosité.

« E-don ». Les plus de 55 ans lui trouvent un côté pratique jusque là insoupçonné, la possibilité de donner sans avoir à se déplacer en usant de sa carte bancaire, ce qui rend plus généreux, la possibilité aussi de suivre son don en ligne ou par e-mail. L’étude de l’agence Limite sur «l’évolution des dons, des pratiques et de la présence digitale de 102 grandes associations et fondations françaises » montre un accroissement des dons via Internet de 6% entre 2019 et 2020. Les seniors (Atelier BNP Paribas 2020) sont le moteur de la croissance des dons en ligne. En effet 47% des E-dons émanent des 65+.

Femmes. Aux États-Unis, elles sont plus généreuses que les hommes, selon l’étude Women Give 2020 du Women’s Philanthropy Institute at the Center on Philanthropy d’Indiana University. Cette étude réalisée sur les fondements d’une enquête de 2018 montre que, quelque soit le niveau de revenus ou les couches sociales, les femmes seules sont des donateurs plus généreux que les homme seuls. Ceci vaut pour l’ensemble des femmes, dont en moyenne, à la retraite, comme en activité, les revenus sont inférieurs de 25% à ceux des hommes. De plus, leur participation au don croît avec l’âge. 56 % des femmes de plus de 65 ans sont des donatrices contre 47% des hommes du même âge. Cette tendance vaut pour tous les types de dons, excepté le bénévolat qui reste plus un domaine masculin. Les dons des hommes sont d’un montant légèrement supérieur mais selon l’INSEE, le salaire moyen d’une femme « ne représente que 80% du salaire moyen d’un homme ».

Génération 68. Elle a aujourd’hui entre 55 et 65 ans. Elle est à un âge charnière de redistribution envers ses aînés (temps, énergie) et ses cadets (argent, logement). Selon l’observatoire de la Fondation de France, les boomers sont les plus importants donateurs puisque 58% de la génération donne, soit 10 points de plus que « que l’ensemble de la population française de 18 ans et plus ». Le chiffre atteint 72,6% pour les CSP+. C’est l’aide sociale, la santé mais aussi l’environnement qui font vibrer les boomers, « les soixante-huitards n’ont pas traversé impunément l’ère du chômage de masse, de la précarité et de l’éclatement de la cellule familiale. » Qu’est-ce qui guide les ex-soixante-huitards ? Essentiellement le constat de la détresse (43%), loin devant l’injonction morale (21%). » Ils veulent « du concret, du participatif et des solutions à long terme. 87 % des personnes interrogées et 90% des donateurs souhaitent que les personnes aidées participent activement à l’élaboration du projet et ne soient pas dans l’assistanat pur et simple. » La mentalité entrepreneuriale est moins marquée chez les Français que chez les Américains. Cependant , les boomers français ne se cantonnent pas à une aide ponctuelle. Comme le souligne l’observatoire de la Fondation de France « la génération 68, souhaite s’investir dans les projets de petites dimensions, adaptés aux besoins de certaines populations (52%) et dans une action pérenne à 67%. » (TNS-Sofres pour la Fondation de France 22-26-02-2006, interviews réalisées en face à face auprès de 336 personnes représentatives des 55-65 ans).

Éducation au don. C’est une spécificité des « successful » boomers américains, le désir de rendre à la société une partie de ce qu’elle a consenti pour leur progression. Une manière d’éviter ou d’atténuer le conflit de générations entre boomers et enfants sur le sujet est d’avoir une discussion sur l’héritage, de leur parler des causes possibles. Mais la meilleure démarche pédagogique est d’éduquer au plus tôt les enfants au don, dès l’âge de deux ans, « dès que vous entendez « c’est le mien,  ou c’est à moi » et d’instaurer avec eux des journées de la gentillesse où chaque membre de la famille doit accomplir un acte utile pour une personne qui n’appartient pas au cercle. » Autre possibilité, la création d’un fonds par les grands-parents pour les études des petits-enfants. Ce fonds se débloque en leur faveur dès qu’ils ont accompli des gestes positifs significatifs envers la communauté.

France. L’évolution des dons varie avec leur nature. En 2019, les dons aux banques alimentaires avaient cru d’environ 5%. Le Téléthon, lui-même, après deux années de régression enregistrait un mieux à 86 millions d’euros. Au total, les dons des Français se sont élevés à 3,7 milliards d’euros en 2018, selon l’association Recherche et solidarité. Depuis, la crise a fait régresser la progression des dons enregistrés. Elle n’est que de 3,7% en euros courant en 2018 par rapport à 6,4% en 2009. En 2019, d’après le panel France Générosités, les dons des particuliers sont en stagnation. Les montants reçus restent au même niveau qu’en 2018 (+0,4%). « Ce niveau est maintenu grâce au soutien indéfectible des donateurs fidèles puisque les montants qu’ils ont donnés en 2019 ont progressé de 2%. » France Générosités fait par ailleurs observer que les dons sont en régression de 6 à 8% pour les revenus importants, soit dans la tranche de revenus au delà de 45 000 euros. En revanche, la confiance envers les associations et fondations progressait encore en 2019 pour atteindre 62%. Le montant des dons effectués par les seuls boomers aux Etats-Unis était de 40 milliards d’euros en 2020 (New York Times, Why Am I a Challenge for Charities ? 12-01-2021)

Marketing. L’importance prise par l’internet pour les dons oblige aujourd’hui les associations et fondations à moduler leur demande en fonction des supports et des cibles. Elles doivent opérer un mixage des discours et des méthodes classiques et de celles du web pour les 50+, et prévoir des campagnes sur les seuls réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Linkedin, Viadeo..) pour les plus jeunes. Aux Etats-Unis, les associations philanthropiques ont aujourd’hui à affronter l’efficacité des stratégies des mouvements environnementalistes qui leur font concurrence auprès des donateurs éventuels. Retenir l’attention des boomers dans un environnement concurrentiel est donc un véritable enjeu. Il faut en effet parvenir à établir un contact, puis une relation avec les personnes susceptibles d’être sensible à votre appel. Or, aujourd’hui, elles sont plus réactives aux sollicitations émises par le truchement des nouveaux médias  qu’à un appel par courrier ou par téléphone, car les personnes n’ont d’ailleurs plus forcément de ligne fixe. De surcroît, l’appel aux boomers exige une communication plus sophistiquée qu’en direction de leurs aînés. Leur niveau d’éducation, plus élevé, en fait des personnalités susceptibles d’analyser davantage la demande qui leur est faite. Cette génération est plus évaluative, plus consumériste à l’égard des groupes qui la sollicitent et peut-être même sceptique. Un travail approfondi est donc nécessaire pour les convaincre. En effet, dès l’enfance, les boomers ont été confrontés à des pubs de 30 secondes. Ils savent que l’on tente de les conquérir car ils ont grandi comme des cibles que l’on cherchait à atteindre pour leur vendre des produits de consommation. Le haut niveau d’éducation n’est pas un obstacle au don car plus les gens sont éduqués, plus ils ont tendance à donner mais il s’agit d’un élément stratégique dont il faut tenir compte. Les boomers viennent plus tardivement aux donations car ils travaillent plus longtemps que les générations précédentes. En revanche, il est possible des les fidéliser dans des bonnes conditions jusqu’à un âge plus avancé, selon J. Grimm (director of the Center for Philanthropy and Nonprofit Leadership at the University of Maryland). Le caractère pragmatique des boomers, les principaux donateurs, en France comme aux USA, induit, par exemple, le caractère extrêmement concret de la communication et des dossiers de presse de la Fédération française des chiens guides d’aveugle. On y parle de manière concrète de la formation du chien, de son travail, du travail de ses éducateurs. On y cite les témoignages des aveugles bénéficiant de leur service. Pas de rhétorique, des faits et du testimonial favorisant l’appropriation directe de l’information et la sensibilisation aux objectifs poursuivis.

Philanthropie. 55% des boomers (47-66 ans) américains pensent qu’il est important de laisser un héritage à leurs enfants ou à leurs héritiers (2020 U.S. Trust Insights on Wealth and Worth Survey). Ils se montrent donc nettement plus altruistes que la moyenne des détenteurs de fortunes des autres générations, aînées ou cadettes. Celles-ci jugent que laisser un héritage substantiel est important pour les trois quarts d’entre elles. Le statistiques recueillies montrent que la moyenne des dons enregistrés a augmenté de 21% entre 2007 et 2009, passant de 55 000 euros à 65 000 euros en moyenne. (The Center on Philanthropy at Indiana University and sponsored by Bank of America.)

Valeurs. Les boomers américains n’entendent pas « pourrir » leurs enfants avec un héritage qu’ils gaspilleraient ou qui les empêcherait de trouver par eux même un sens à leur existence comme le souligne Clair Costello (National philanthropic practice executive at Bank of America). Ils sont guidés par un esprit entrepreneurial plus que par un désir de transmission du patrimoine. Pour eux, leurs enfants doivent eux-mêmes s’accomplir. Selon C. Costello, les boomers ont en tête le modèle du financier Warren Buffet, selon lequel il faut laisser suffisamment d’argent à un enfant pour qu’il puisse se débrouiller mais pas assez pour le handicaper. Lui-même a laissé 90 000 $ à son fils.

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