Les pactes sur succession future prohibés

L’article 722 du Code civil précité met en évidence plusieurs éléments de définition du pacte sur succession future interdit :

  • une convention ;
  • une succession non encore ouverte;
  • des droits éventuels.

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Une convention

Bien que le texte ne vise que les conventions, il est communément admis que la prohibition s’applique également aux actes unilatéraux, par exemple, à une renonciation.

D’ailleurs, l’article 770 du Code civil ne fait que rappeler la prohibition générale des pactes sur succession future lorsqu’il précise que l’option successorale ne peut être exercée dans une succession qui n’est pas encore ouverte. Par exemple, un héritiers présomptif ne peut renoncer à succession du vivant du de cujus.

Peu importe que la convention ou l’acte unilatéral soit à titre gratuit ou à titre onéreux.

Une succession non encore ouverte

La succession future à laquelle se rapporte le pacte prohibé ne doit pas être ouverte, par décès, absence déclarée ou disparition (sur les causes d’ouverture d’une succession. Aussi, tant qu’un jugement déclaratif d’absence n’a pas été obtenu, un pacte ne peut être conclu sur la succession de l’absent.

Peu importe qu’il s’agisse de la succession future d’une partie au contrat ou de celle d’un tiers.

Peu importe également que la succession future soit dévolue par l’effet de la loi (succession ordinaire ou succession anomale), ou de la volonté (succession testamentaire ou contractuelle).

Des droits éventuels

Le pacte interdit a pour objet des droits éventuels dans une succession future.

Ces droits sont éventuels car ils peuvent toujours être anéantis par un acte de disposition entre vifs du de cujus (vente, donation de bien présent…), sans pouvoir l’être par un acte de disposition à cause de mort (legs testamentaire…). En d’autres termes, le pacte sur succession future n’oblige jamais le de cujus, mais il oblige toujours sa succession.

La Cour de cassation rappelle ce critère distinctif du droit éventuel lorsqu’elle précise qu’une convention constitue un pacte sur succession future dès lors qu’elle « ne créait d’obligation qu’à la charge de la succession sans imposer au stipulant aucune obligation dont la succession n’aurait été tenue que par voie de conséquence, et consacrait ainsi l’attribution d’un droit privatif sur une succession non ouverte ». Ainsi, la clause transmettant l’obligation de couverture aux héritiers de la caution constitue un pacte sur succession future annulable, car elle fait peser sur la succession de la caution une obligation dont elle n’était pas tenue de son vivant, ce qui est discutable.

C’est le cas du pacte sur sa propre succession, lorsque le de cujus attribue des droits à un héritier présomptif ou à un tiers sur des biens qu’il laissera éventuellement à son décès.

Par exemple, une institution contractuelle ou donation de biens à venir ayant pour objet un bien déterminé n’attribue qu’un droit éventuel à l’institué, puisque son auteur peut la révoquer en aliénant ce bien entre vifs.

C’est le cas également du pacte sur la succession d’autrui, lorsque l’héritier présomptif attribue des droits à un autre héritier présomptif ou à un tiers sur des biens qu’il recueillera éventuellement dans la succession du de cujus.

Par exemple, un héritier présomptif qui cède à un tiers un bien qui fait partie d’une succession avant qu’elle ne soit ouverte n’a qu’un droit éventuel sur ce bien, puisque le de cujus peut aliéner ce bien.

Peu importe l’étendue du pacte : il est prohibé lorsqu’il a pour objet la totalité des droits éventuels dans une succession future, une fraction de ses droits, ou les droits dans un bien déterminé de la succession, ou encore la créance de rapport à succession ou celle résultant de la réduction des libéralités portant atteinte à la réserve.

En revanche, le pacte post mortem, c’est-à-dire celui qui a pour objet un droit né et actuel dont l’exécution est différée au décès de l’une des parties, est valable.

C’est le cas :

  • de la promesse de vente dont l’option ne peut être levée qu’au décès du promettant ;
  • de la vente à exécuter au décès du vendeur ;
  • de la réversion d’usufruit ;
  • de la dette payable après le décès du débiteur ou éteinte en cas de décès du créancier.

Néanmoins, la Cour de cassation refuse d’analyser la vente d’un bien moyennant rente viagère temporaire comme un pacte post mortem.

Cette modalité de paiement d’une rente soumise à un double terme extinctif (le terme convenu et le décès du crédirentier) constitue un pacte sur succession future, en ce qu’elle attribue un droit privatif sur une créance de prix qui appartenait à la succession, ce qui est généralement critiqué.

De même, le pacte conditionnel, c’est-à-dire celui qui a pour objet un droit dont l’existence dépend de la survenance d’un événement incertain, est valable.

Cet événement peut être l’ordre des décès des parties, ce qui rapproche le pacte conditionnel du pacte sur succession future. Toutefois, à la différence du pacte sur succession future, le de cujus ne peut révoquer unilatéralement le pacte conditionnel en disposant entre vifs du bien qui en est l’objet.

Ainsi, le pacte tontinier, ou tontine, ou encore clause d’accroissement, par lequel, le plus souvent, deux concubins acquièrent leur logement en stipulant que le survivant en sera seul propriétaire depuis l’acquisition au décès du prémourant, a finalement été validé par la Cour de cassation. Chacun des tontiniers est, selon la Cour de cassation, propriétaire du bien acquis en tontine sous condition suspensive de sa survie et sous condition résolutoire de son prédécès. Encore faut-il que la clause soit correctement rédigée, ce qui n’est pas le cas si elle prévoit maladroitement que les parts des tontiniers prédécédés doivent revenir aux survivants.

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