Tutelle et testament : une liberté surveillée

Acte de dispositions de dernières volontés, le testament est un acte grave dont notre droit a longtemps interdit l’utilisation aux personnes sous tutelle pour les protéger des pressions de leur entourage. Une restriction aujourd’hui révolue.

Lorsqu’une personne est placée sous tutelle, c’est parce qu’il a été constaté qu’elle se trouve « dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté » (Code civil, article 425).

Elle est représentée dans les actes de la vie juridique par son tuteur.

Toutefois, la personne en tutelle n’est pas privée de toute capacité testamentaire. Depuis le 1er janvier 2009, elle peut, sous certaines conditions, rédiger son testament.

Un testament soumis à autorisation

Une fois la tutelle ouverte, la rédaction d’un testament n’est possible qu’avec l’autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille s’il a été constitué. Ces derniers apprécient le discernement de la personne protégée. Ils peuvent solliciter une expertise médicale s’ils l’estiment nécessaire.

Les précautions à prendre

Lorsque l’autorisation est accordée, la personne protégée rédige seule son testament, sans la présence de son tuteur. Ce dernier n’a pas non plus à être informé a posteriori du contenu du testament. Bien entendu, le testament ainsi autorisé doit respecter les conditions de droit commun, parmi lesquelles l’interdiction, pour certaines personnes, de recevoir des legs, afin d’écarter tout risque de captation d’héritage.

De telles incapacités frappent, par exemple, les propriétaires et le personnel des établissements dans lesquels le testateur réside (Ehpad, hôpitaux, etc.) ainsi que les médecins et le personnel médical lui ayant prodigué des soins au cours de la maladie qui lui sera fatale. Depuis le 1er janvier 2016, cette interdiction s’applique aussi à toute personne intervenant à domicile au titre d’une prise en charge sociale ou médico-sociale.

Choisir la forme adaptée

Le testament de la personne sous tutelle peut être olographe: il doit alors être écrit de la main du testateur, signé par lui et daté, pour être valable. Il peut aussi être notarié: c’est le notaire qui, en présence d’un autre notaire ou de deux témoins, retranscrit les dernières volontés du testateur sous la dictée de ce dernier, qui le signe.

Le testament rédigé avant l’ouverture de la tutelle

L’ouverture d’une mesure de tutelle n’emporte pas révocation du testament rédigé avant. Toutefois, si le testament a été rédigé dans les deux ans précédant l’ouverture de la tutelle, la loi du 5 mars 2007 a institué une sorte de période suspecte qui permet d’obtenir l’annulation du testament en démontrant le préjudice subi par la personne sous tutelle. Il est le plus souvent moral et peut résulter de pressions ou menaces exercées contre lui pour le contraindre à tester au profit de tel ou tel légataire.

Plusieurs auteurs estiment que ce préjudice peut aussi être celui des héritiers du testateur qui se trouveraient écartés de la succession par l’effet du testament. Cette action en nullité relève de la compétence du tribunal de grande instance et doit être exercée dans les cinq ans de l’ouverture de la mesure de tutelle.

L’insanité d’esprit

Si le testament a été rédigé dans les deux ans précédant la tutelle, il suffit de prouver que le testateur a subi des pressions. Au-delà de deux ans, il faut prouver l’insanité d’esprit. En effet, comme tout acte juridique, le testament doit être rédigé par une personne saine d’esprit, en possession de toutes ses facultés intellectuelles.

Mais la preuve de l’insanité d’esprit, qui incombe à celui qui réclame l’annulation du testament, est difficile à rapporter. Les tribunaux n’annulent le testament que si l’altération durable et complète des facultés intellectuelles du testateur peut être démontrée. Le trouble, qui résulte de la confusion temporaire liée à une opération chirurgicale subie par ce dernier peu avant la rédaction du testament, n’est pas suffisant.

Il en est de même de celui qui résulte du seul âge du testateur. De manière générale, l’altération des facultés intellectuelles doit avoir été suffisamment importante pour priver le testateur de toute volonté consciente et éclairée. Pour réduire toute contestation sur point, il est conseillé de faire établir, par le médecin traitant ou celui de la maison de retraite dans laquelle réside le testateur, une attestation relevant l’absence d’altération majeure des facultés mentales et de pathologie susceptible d’interdire la rédaction d’un testament.

L’action en nullité se prescrit par cinq ans.

La Cour de cassation a récemment rappelé que, les héritiers ne pouvant pas agir du vivant du testateur, ce délai ne commence à courir qu’à compter de son décès.

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