La narcolepsie : mieux comprendre cette maladie

La narcolepsie, un trouble grave du sommeil. Probablement sous-diagnostiquée, la narcolepsie représente l'une des plus étranges des dyssomnies, avec une symptomatologie parfois spectaculaire mais terriblement angoissante pour le patient. La narcolepsie est un trouble du sommeil se caractérisant par une hypersomnolence, régulièrement associée à des paralysies, des hallucinations, des pertes brutales du tonus musculaire lié à des émotions vives. Les traitements contre les symptômes existent, mais jusqu'à présent, les causes de la narcolepsie sont peu connues.

Personne Qui S'endort En Voiture
© istock

Aussi appelée maladie de Gélineau, du nom du découvreur français (Jean Baptiste Gélineau - 1880) de cette maladie (quoiqu'elle fut décrite indépendamment, peu de temps auparavant en Allemagne ; Westphal - 1877), la narcolepsie est une maladie neurologique se caractérisant par des accès incoercibles de somnolence diurnes, généralement associés à d'autres troubles du sommeil : l'hypersomnolence diurne s'accompagne régulièrement de trois autres signes cliniques, la cataplexie, des hallucinations à l'endormissement ou au réveil, et des paralysies du sommeil.

1. Quelles sont les principales caractéristiques de la narcolepsie selon le DSM-V* ?

La narcolepsie est un trouble du sommeil chronique qui se caractérise par une excessive somnolence diurne et des périodes de sommeil involontaires appelées "microsommeils" qui peuvent survenir à tout moment de la journée. Les personnes atteintes de narcolepsie ont souvent du mal à rester éveillées pendant les activités de la journée et peuvent avoir des difficultés à maintenir une bonne qualité de sommeil la nuit.

D'autres caractéristiques courantes de la narcolepsie comprennent :

  • Des hallucinations hypnagogiques : qui se produisent au moment de s'endormir / ou hypnopompiques : qui se produisent au moment de se réveiller.
  • Des paralysies du sommeil : incapacité temporaire à bouger ou parler pendant le sommeil.
  • Des épisodes de cataplexie : perte soudaine de contrôle musculaire, souvent provoquée par des émotions fortes.

La narcolepsie est causée par une défaillance du système de régulation du sommeil-éveil, ce qui entraîne une perturbation de la production de la mélatonine et de l'ocytocine, deux hormones qui jouent un rôle important dans le processus de sommeil. La narcolepsie est généralement traitée avec des médicaments stimulants et des techniques de gestion du sommeil, comme l'hygiène du sommeil et la thérapie cognitivo-comportementale.

* Qu'est-ce que le Manuel Diagnostique Des Troubles Mentaux (DSM-V) ?

Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) est un livre de référence utilisé par les professionnels de la santé mentale pour diagnostiquer les troubles mentaux. Il décrit les critères diagnostiques pour chaque trouble mental et fournit des outils pour aider à évaluer la présence et la sévérité d'un trouble mental.

Les critères diagnostiques du DSM comprennent généralement une description des symptômes et de leur durée, ainsi que des informations sur l'impact des symptômes sur la vie quotidienne et le fonctionnement social et professionnel. Le DSM prend également en compte l'historique médical et les antécédents familiaux.

Le DSM est mis à jour régulièrement et la dernière version est le DSM-5, publiée en 2013. Il existe de nombreux troubles mentaux décrits dans le DSM, y compris la dépression, l'anxiété, la schizophrénie, le trouble bipolaire et le trouble de déficit de l'attention avec hyperactivité (TDAH).

2. Données épidémiologiques de la narcolepsie

La narcolepsie est une dyssomnie (pathologie du sommeil) relativement rare (de 0.02 à 0.05[1] %) mais probablement sous diagnostiquée, qui plus est tardivement (15 à 25 ans), car on peut la confondre avec d'autres pathologies du sommeil. De plus en plus cependant, l'âge moyen du diagnostic s'établit précocement, durant la petite enfance (si la narcolepsie se déclare précocement).

La narcolepsie touche légèrement plus d'hommes que de femmes. Les risques majorés de narcolepsie en cas de parent narcoleptique (1 à 10% de prévalence) confirment une composante génétique à ce trouble. Plusieurs études épidémiologiques suggèrent cependant l'importance de facteurs environnementaux (stress ou réduction du sommeil, par exemple) sur l'apparition des symptômes.

3. Caractéristiques psychopathologiques du trouble narcoleptique

On parle de tétrade narcoleptique pour désigner les quatre troubles principaux rencontrés chez un narcoleptique.

Hyper-somnolence diurne : des accès irrésistibles de somnolence surviennent quotidiennement, lors desquels le patient peut rêver éveillé ou sombrer dans une inconscience totale, sans souvenirs au réveil. Ces épisodes se produisent plusieurs fois dans la journée, peuvent durer quelques minutes à plusieurs dizaines de minutes. Ce repos est réparateur, mais ne laisse que quelques heures avant que survienne un autre endormissement. La qualité de vie du patient et sa sécurité en sont fortement compromises : la narcolepsie est une des pathologies interdisant des activités normales comme la conduite automobile. Plus généralement, de nombreuses activités sociales et professionnelles peuvent souffrir de ces endormissements inopportuns. Bien qu'elles se remarquent surtout lors de l'éveil, ces hypersomnolences témoignent d'un trouble général de la vigilance : les fluctuations de la vigilance se retrouvent également dans le sommeil, ponctué d'éveils intempestifs. L'hypersomnolence s'accompagne parfois de troubles de la mémoire et de l'attention.

Cataplexie : généralement provoquée et maintenue par une émotion vive (accès de colère, de panique, éclatement de joie), la cataplexie se caractérise par une perte brutale du tonus musculaire, sans perte de conscience. Ce symptôme touche environ 75% des narcoleptiques. Lors de ces épisodes, le patient peut perdre l'usage de quelques muscles seulement, ou tomber dans un état d'atonie musculaire complète (seuls les muscles vitaux fonctionnent encore) semblable à celui que l'on observe en sommeil paradoxal, altération de la conscience exceptée. Le patient a conscience de cette paralysie, ce qui peut le paniquer et maintenir la cataplexie.

Hallucinations hypnagogiques (à l'endormissement) où hypnopompiques (lors de l'éveil), pouvant se montrer très angoissantes (par exemple, le narcoleptique peut voir son conjoint se transformer en bête effrayante, juste à côté de lui). Ces hallucinations semblent coïncider avec l'arrivée rapide de phases de sommeil qui prennent habituellement plus de temps avant de débuter (sommeil profond et paradoxal ; parfois même, le narcoleptique s'endort quasi immédiatement en état de sommeil paradoxal). Elles semblent toucher près de deux tiers des patients, à des fréquences diverses. Nous nous rassurons de cauchemars en nous réveillant, et en constatant qu'il ne s'agissait que de mauvais rêves. Les narcoleptiques peuvent avoir ces hallucinations alors même qu'ils ont l'impression vivace d'être parfaitement éveillés. De telles frayeurs peuvent développer une véritable appréhension de l'endormissement, accentuant les troubles du sommeil.

Paralysies du sommeil, survenant également le plus souvent à l'endormissement ou au réveil, et parfois conjointement aux hallucinations (l'angoisse est d'autant plus forte en ces cas). La paralysie ne dure pas très longtemps (quelques dizaines de secondes à quelques minutes) mais elle est vécue de manière très angoissante, le patient se sent éveillé, mais est incapable d'ouvrir les yeux ou de bouger.

4. Adaptation et évolution du trouble narcoleptique

La maladie présente un pic chez le jeune adulte (15 ans) et vers 35 à 40 ans. Si l'hypersomnolence est un symptôme caractéristique, les trois autres signes de la tétrades ne se rencontrent pas nécessairement, La cataplexie est très partagée (75% des narcoleptiques, environ), il n'en va pas de même pour les paralysies du sommeil et les hallucinations, qui non seulement touchent moins de narcoleptiques, mais en proportion très variable (d'une seule fois par vie à plusieurs fois par jours).

En plus des traitements, certaines adaptations non médicamenteuses sont possibles : siestes volontaires fréquentes, présence de l'entourage, qui doit être informé, boissons stimulantes comme le thé ou le café, en journée.

Les handicaps sociaux et professionnels que la narcolepsie peut apporter peuvent plonger le patient dans une dépression et un isolement progressif.

Une des hypothèses récentes est celle d'une maladie auto-immune détruisant les neurones orexinergiques de l'hypothalamus : il a été observé que la destruction de ces neurones entraine une narcolepsie. Également, on constate une forte association [2] entre la présence de systèmes HLA particuliers (HLA DR2 et DQw1, notamment). Cependant, on sait les facteurs environnementaux importants. C'est souvent à la suite d'évènements stressants ou d'une réduction anormale du sommeil que le narcoleptique prédisposé voit apparaitre ses premiers symptômes.

5. Quelles sont les théories expliquant la narcolepsie ?

Il y a plusieurs théories sur les causes de la narcolepsie, mais aucune n'a été complètement prouvée. Voici quelques-unes des théories les plus courantes :

  • Théorie immunologique : Selon cette théorie, la narcolepsie pourrait être causée par une réponse immunitaire anormale qui attaque les neurones qui produisent l'hypocrétine, une hormone impliquée dans la régulation du sommeil-éveil.
  • Théorie génétique : La narcolepsie est souvent héréditaire, ce qui suggère que le trouble pourrait avoir une base génétique. Certaines études ont identifié des variations génétiques qui semblent être associées à un risque accru de narcolepsie.
  • Théorie du stress : Il a été suggéré que le stress ou les traumatismes psychologiques pourraient être des facteurs de risque pour la narcolepsie. Cependant, il n'y a pas de preuves concluantes pour étayer cette théorie.
  • Théorie neurotransmetteur : Selon cette théorie, la narcolepsie pourrait être causée par des perturbations dans les niveaux de certains neurotransmetteurs, comme la dopamine et la noradrénaline, qui jouent un rôle important dans la régulation de l'éveil et du sommeil.

Il est important de noter que la narcolepsie est un trouble complexe et qu'il est probable que plusieurs facteurs interagissent pour en causer les symptômes. Il est possible que de nouvelles recherches permettent de mieux comprendre les causes de la narcolepsie à l'avenir.

6. Prise en charge et objectif thérapeutique

Un diagnostic différentiel basé sur l'entretien, un agenda de sommeil tenu par le patient, des mesures de l'activité encéphalographique, éventuellement la détermination des groupes HLA, doit permettre d'infirmer un syndrome de Kleine Levin, des crises d'épilepsies, une humeur dépressive ou des troubles liés à la prise de substances psychotropes. Des apnées du sommeil se rencontrent dans la narcolepsie mais représentent un diagnostic distinct, pouvant pourtant entrainer l'hypersomnolence et les micro-réveils nocturnes.

Il n'existe aucun traitement curatif, la prise en charge vise donc les symptômes :

  • antidépresseurs (principalement antidépresseurs tricycliques) contre la cataplexie
  • psychostimulants contre les somnolences (amphétamines et dérivés).

L'hygiène de vie est également importante, de petites indications pouvant améliorer nettement la qualité de vie du patient, et réduire les risques de somnolences ou de crises intempestives. L'évolution d'un syndrome dépressif ou la détérioration de la vie professionnelle et sociale doivent être surveillées.
Découverte

Une manière divertissante de découvrir la narcolepsie : le film Narco (2004) raconte de manière romancée et sur un ton humoristique, l'histoire et les aléas d'un narcoleptique.

Sources :

  • Les troubles du sommeil. Billiard M, Dauvilliers Y. (2005) Elsevier Masson.
  • Neurosciences Médicales. Pritchard T. C., Alloway K.D. (2002) De Boeck Université.
  • [1] Dement WC, Zarcone V, Varner V et coll (1972). The prevalance of narcolepsy. Sleep Res 1972, 1, 148.
  • [2] Billiard M, Seignalet J. (1985). Extraordinary association between HLA DR2 and narcolepsy. Lancet 1985, I, 226-227.
    Pour continuer vos lectures sur les troubles du sommeil, nous vous conseillons l'excellent site http://sommeil.univ-lyon1.fr/.

À lire aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. - * Champs obligatoires

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.