La division des dettes au prorata des vocations héréditaires pose une difficulté pratique en présence de successeurs ordinaires ayant vocation à une fraction de la succession et de successeurs anomaux ou encore de légataires à titre universel de tout ou partie des meubles ou des immeubles, car leurs droits ne s’expriment pas par une fraction ou une quote-part de la succession mais sont fonction de la nature des biens successoraux (meuble ou immeuble) ou de leur origine (succession anomale de l’article 368-1 du Code civil par exemple).
Voir aussi :
- Portée de l’obligation au passif successoral (un seul héritier) ;
- Portée de l’obligation au passif successoral (plusieurs héritier) ;
Pour déterminer la part de passif qui incombe au successeur anomal ou au légataire à titre universel de tout ou partie des meubles ou des immeubles comparativement à celle qui pèse sur les successeurs ordinaires, deux solutions sont concevables.
Une règle proportionnelle peut être appliquée : le successeur anomal ou le légataire à titre universel de tout ou partie des meubles ou des immeubles est obligé à concurrence de la quote-part de la succession globale que représente la totalité des biens qu’il a vocation à recevoir. Mais cette méthode suppose préalablement évalués les droits et les biens compris dans l’hérédité, ce qui n’est pas toujours aisé.
Aussi, est-il plus simplement préconisé d’arrêter le droit de poursuite des créanciers à une part virile, c’est-à-dire en divisant le montant de la créance par le nombre d’héritiers.
Si la succession se partage entre un légataire universel non saisi en présence d’un héritier à réserve saisi, les créanciers successoraux ne pourront poursuivre le légataire universel tant que son legs ne lui aura pas été délivré et pourront donc recourir pour le tout contre l’héritier à réserve.
Ce n’est qu’après que son legs lui est délivré que le légataire universel peut être poursuivi à concurrence de la part d’actif qu’il a vocation à recueillir. La division des dettes est alors obligatoire et le créancier ne peut dès lors exercer son droit de poursuite pour le tout contre l’héritier réservataire.
En présence d’une succession démembrée et d’un héritier en usufruit alors que l’autre hérite en nue-propriété, si le créancier successoral peut poursuivre le premier pour les intérêts de la dette, il peut poursuivre le second pour le tout, c’est-à-dire pour la dette en capital et en intérêts. Ce dernier ne peut donc opposer au créancier la division de sa dette en capital et en intérêts.
Le bénéficiaire d’une donation entre époux au dernier vivant portant sur un usufruit universel est ainsi tenu de payer les dettes qui sont la charge des fruits et revenus et d’acquitter la rente dont son auteur était débiteur ainsi que les intérêts sur les arrérages échus à son décès.
La contribution à la dette
Principe
Aux termes de l’article 870 du Code civil :
« les cohéritiers contribuent entre eux au payement des dettes et charges de la succession, chacun dans la proportion de ce qu’il y prend. »
L’article 871 précise à propos du légataire à titre universel qu’il contribue avec les héritiers au prorata de son émolument.
Par exemple :
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si un de cujus laisse quatre enfants, ceux-ci supportent à titre définitif chacun un quart du passif ;
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si un de cujus laisse deux enfants et son conjoint légataire universel de tout l’usufruit des biens successoraux, ce dernier supporte seul à titre définitif la charge des intérêts de la dette, alors que chacun des enfants supporte la moitié de la dette en capital.
L’article 612 du Code civil précise les modalités selon lesquelles usufruitier et nu- propriétaire contribuent à la dette, observation faite que la Cour de cassation l’appliquait à la prestation compensatoire sous forme de rente au décès du débiteur, avant que la loi du 26 mai 2004 réformant le divorce institue un droit de prélèvement sur l’actif aux articles 280 et suivants du Code civil4.
Si le successeur a payé le créancier poursuivant au-delà de sa part contributoire, quatre actions s’ouvrent à lui :
- l’action subrogatoire ;
- l’action en garantie d’éviction due entre copartageants s’il a payé après le partage, car il est évincé à hauteur de ce qu’il a payé au-delà de sa part contributoire ;
- l’action en indemnisation du gérant d’affaires contre le maître ;
- l’action de in rem verso sur le fondement de l’enrichissement sans cause, à défaut.
Le solvens doit alors diviser son recours, y compris lorsqu’il exerce l’action subrogatoire, l’insolvabilité de l’un des successeurs étant supportée par tous « au marc l’euro ».
Ces recours contributoires permettent soit de rétablir une proportionnalité qui n’a pas été respectée par le créancier poursuivant, soit d’anéantir en tout ou en partie une proportionnalité exclue par le de cujus ou les successeurs, mais respectée par le créancier qui a divisé ses poursuites.
Exceptions
Les exceptions à ce principe de proportionnalité résultent soit de la volonté du de cujus qui, notamment, peut par testament imposer une répartition définitive de la dette autre qu’en proportion des vocations héréditaires des successeurs, soit de la volonté des successeurs qui peuvent prévoir entre eux une répartition de la charge définitive du passif inégalitaire ou de façon plus générale détachée de la part de succession qu’ils ont vocation à recevoir.
Si, par convention, les parties ont exclu la proportionnalité de leur contribution au passif successoral alors qu’un créancier de la succession a divisé ses poursuites au prorata des parts héréditaires de chacun de ses débiteurs, le débiteur qui a trop payé dispose en outre d’un recours contre les autres débiteurs sur le fondement de la force obligatoire des conventions et peut leur demander d’exécuter leur obligation sous peine d’engager leur responsabilité contractuelle.