Douleurs chez les personnes âgées : dépistages et soins

Trop de patients âgés souffrent en silence. Les médecins ont de nouveaux outils de dépistage et de soins. « La douleur n'est pas une fatalité, refusons-la », clamait haut et fort la campagne antidouleur lancée en 1998 par Bernard Kouchner, alors secrétaire d’État à la Santé.

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La sous-estimation de la douleur chez les seniors

Malgré des avancées indéniables depuis plus de 20 ans, la douleur reste encore insuffisamment prise en charge en France. Surtout quand elle concerne les personnes âgées.

D'après plusieurs études menées en France et à l'étranger, le nombre de personnes âgées qui souffrent varie, en institution, entre 40 et 85 % selon les situations. Et, aujourd'hui, 25 à 50 % des personnes âgées vivant à domicile souffrent de douleurs importantes. Ces chiffres sont d'autant plus alarmants qu'ils traduisent une prise en charge nettement insuffisante.

Les idées reçues ont la vie dure, et celle qui veut que l'âge diminue la sensibilité à la douleur est très tenace. La douleur est pourtant un symptôme très fréquent chez la population âgée. Il est vrai que les maladies susceptibles d'être douloureuses se multiplient et augmentent fortement avec l'âge : rhumatismes, arthroses, zonas, escarres...

Sans parler des cancers qui concernent, dans la moitié des cas, les 75 ans et plus. Des cancers qui provoquent, à un moment ou à un autre de leur évolution, des douleurs chez 80 % des malades. Toutes pathologies confondues, la douleur augmente particulièrement en fin de vie, certains estimant même que les deux tiers des personnes âgées ressentent des douleurs fréquentes ou permanentes pendant le dernier mois de leur existence.

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Trouver les mots

La douleur peut être efficacement soulagée dans 85 à 90 % des cas. Mais la pratique est loin de la théorie. Sur les 9 millions de Français âgés de 65 ans et plus, la proportion des personnes correctement soulagées de leur douleur est au mieux de 50 %. Cette fréquence tombant à 20 % pour les personnes démentes ou souffrant de douleurs non cancéreuses. Avec les complications que cela comporte : dépression, désocialisation, troubles du sommeil et de l'appétit, perte d'autonomie et donc augmentation du recours aux soins et du coût de prise en charge.

Pour pouvoir traiter correctement une douleur, il faut d'abord la dépister. Ce qui n'est pas toujours aisé chez les populations âgées. Plus de la moitié des personnes vivant en institution gériatrique souffrent en effet de troubles plus ou moins sévères de la communication.

Résultat : non seulement elles n'ont pas la capacité de faire savoir qu'elles ont mal (dysphasie) mais, dans certains cas, elles sont atteintes de troubles de la mémoire qui les empêchent de se souvenir de la douleur passée, même récente (amnésie de fixation). Quant à la population âgée capable de communiquer normalement, elle a souvent des difficultés à exprimer, elle aussi, sa douleur : 45 à 80 % de personnes âgées vivant à leur domicile ne recevraient pas le traitement nécessaire pour les soulager.

Premier fautif : le fatalisme. Pour beaucoup, éprouver des douleurs en étant âgé n'a rien d'anormal et, du coup, ils négligent d'en parler à leur médecin. De même, certains évitent de signaler leur douleur par crainte d'être classés dans la catégorie des douillets et que cela retentisse sur leur prise en charge globale.

Enfin, la peur ancestrale des antalgiques puissants sur le long cours demeure vivace. Le niveau socioculturel a une influence indéniable sur ces comportements, et il y a fort à parier que les générations futures, habituées à la médiatisation du traitement de la douleur, n'accepteront pas de souffrir aussi passivement.

Gêne, handicap, douleur

En attendant, identifier le malade ayant une douleur relève souvent de la gageure. Autant dire que les outils d'autoévaluation, comme l'échelle visuelle analogique (EVA) ou l'échelle numérique (EN), sont d'un grand secours. A condition que le malade puisse évaluer lui-même sa douleur, ce qui n'est pas forcément le cas chez les sujets âgés.

Les études récentes montrent en effet que seule la moitié des personnes âgées est capable de s'auto-évaluer. D'abord, parce que la plupart d'entre elles ont du mal à comprendre le concept de ces outils d'évaluation et ne voient pas toujours un rapport entre une réglette, un curseur et la douleur.

Ensuite, parce que beaucoup ont tendance à évaluer leurs douleurs en termes de gêne ou de handicap plutôt qu'en fonction de leurs intensités. Enfin, parce qu'un bon nombre ne peut communiquer verbalement (troubles sensoriels ou caractériels, aphasie, démence de type Alzheimer ou autre, coma, etc.).

Pour dépister la douleur, les soignants doivent alors se tourner vers des échelles spécialement développées pour la gériatrie (échelle Doloplus).

Ces outils se fondent sur l'étude des comportements et des attitudes habituelles du malade. La personne âgée qui souffre développe, comme l'enfant, des réactions de défense qui sont autant de signes d'alerte : elle devient agitée alors qu'elle est généralement calme, ou se replie sur elle-même alors qu'elle est plutôt sociable ou active.

Les traitements existent

Une fois détectée, la douleur peut être traitée efficacement. Les principes de ce traitement sont les mêmes chez le sujet et chez l'adulte jeune, à quelques nuances près. Il est en effet indispensable de tenir compte des modifications du métabolisme des médicaments antalgiques avec l'âge, des effets secondaires potentiels et des contre-indications, plus fréquentes avec l'âge.

Le vieillissement des fonctions rénales ou hépatiques peut, par exemple, avoir des conséquences sur l'élimination de certains antalgiques.

Comme pour l'ensemble de la population, c'est l'intensité de la douleur qui conditionnera le traitement médicamenteux et non la pathologie en cause.

Contrairement à une idée reçue que, les morphiniques ne sont pas réservés aux seules douleurs cancéreuses ou aux malades en fin de vie. En gériatrie, ils peuvent par exemple être utilisés lors d'une phase aiguë d'un tassement vertébral douloureux afin d'éviter une immobilisation trop prolongée...

D'une manière générale, l'ensemble des traitements destinés à lutter contre la douleur chez le sujet âgé nécessite une adaptation de la posologie et une augmentation progressive des doses. Dans la majorité des cas, ces traitements sont efficaces.

Senior : comment souffrez-vous ?

Une douleur se définit par son site, son type (diffus, localisé), son intensité (faible, modérée, forte), sa périodicité (aiguë, chronique), son caractère (battante, lancinante...).

Il y a, selon sa cause, 4 catégories :

  1. Nociceptive : c'est la douleur classique, mécanique ou inflammatoire, continue ou intermittente, causée par une lésion (piqûre, coupure, fracture, douleur post-opératoire, cancer, arthrose, abcès dentaire, etc.).
  2. Neurogène : douteur consécutive à une lésion du système nerveux qui se manifeste par des sensations de brûlures, de décharges électriques ou de fourmillements. Elle fait souvent suite à un zona, à un accident vasculaire cérébral (AVC), à une section d'un nerf ou à une amputation. Les antidouleurs classiques n'ont pas d'effet sur elle, contrairement aux antidépresseurs et anti-épileptiques.
  3. Psychogène : manifestation somatique d'un trouble émotionnel (migraine, maux d'estomac, contracture). Le diagnostic est difficile car ce n'est pas parce qu’il n'y a pas de lésions ou de causes qu'il y a forcément trouble psychique.
  4. Idiopathique : il s'agit des douleurs qui existent par elles-mêmes. Nombreuses, elles sont bien identifiées (migraine, céphalée, névralgie, lombalgie, etc.), Mais leurs mécanismes ne sont pas clairement définis.

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